Introduction d’un nouveau protocole CTPS pour évaluer la résistance/tolérance variétale aux jaunisses virales de la betterave sucrière, en lien avec le projet PNRI Yellows Resisbeet
Jusqu’en 2018, l’emploi des néonicotinoïdes constituait le principal moyen de lutte contre les jaunisses virales de la betterave en limitant la propagation de pucerons vecteurs. Afin de trouver des solutions alternatives à leur suppression, le PNRI (Plan national de recherche et d’innovation) finance plusieurs projets.
Parmi eux, Yellows Resisbeet (2021-2024), piloté par le GEVES en collaboration avec l’ITB (Institut Technique de la Betterave), a permis l’élaboration de protocoles d’évaluation de la résistance/tolérance variétale aux principaux virus des jaunisses en Europe (BYV, BChV, BMYV), dans le cadre de l’inscription des variétés au Catalogue français et de la post-inscription.
Lors de l’International Congress of Plant Pathology, le GEVES a présenté deux posters sur les méthodes de détection des virus et l’évaluation de la tolérance/résistance aux jaunisses virales. Lors du salon européen Betteravenir en octobre 2023, le GEVES a participé à la tenue du stand « Explorer la génétique », en soulignant l’importance des critères d’évaluation basés sur un rendement sucre acceptable à la fois en conditions inoculées jaunisse et non-inoculées protégées.
Lors du congrès ICPP (International Congress of Plant Pathology) du 20 au 25 août 2023 à Lyon, le GEVES a présenté deux posters sur le projet Yellows Resistbeet :
- Le premier poster intitulé « Development of tests of resistance/tolerance to virus yellows in sugar beet« présente les avancées des critères d’évaluation de la tolérance aux jaunisses au champ et en tunnels, avec présentation virus BYV et BChV sur le rendement des variétés.
- Le deuxième poster intitulé « A new diagnostic tool for the identification of four beet yellows viruses by multiplex RT-qPCR« explique le développement et la validation d’une nouvelle méthode d’identification des 4 virus responsable de la jaunisse de la betterave en Europe au cours d’une seule et même analyse moléculaire. Il est en effet indispensable de disposer d’un test de détection efficace afin de contrôler la présence des virus souhaités et l’absence de virus indésirables dans les essais inoculés au champ et en conditions semi-contrôlées destinés à évaluer le comportement variétal des betteraves vis-à-vis de chacun des virus.
Lors du plus grand salon européen betteravier de plein champ, Betteravenir, les 25-26 octobre 2023 à Berny-en-Santerre, le GEVES avec l’ensemble des autres partenaires du PNRI ont présenté, dans le chapiteau PNRI, les premières pistes de solutions alternatives aux néonicotinoïdes qui se dégagent à l’issue de ces 3 années de recherche. Le projet Yellows Resistbeet était représenté sur le stand « Explorer la Génétique ». La durabilité de cette solution génétique devra être combiner avec tous les autres leviers fonctionnels, tels que les plantes compagnes, l’identification des réservoirs viraux et l’utilisation de bandes fleuries et auxiliaires. À l’issue de sa visite, le ministre français de l’Agriculture a annoncé la poursuite du PNRI pour une durée de trois ans.
Plus précisément, voici les différents volets de recherche qui ont été menés au cours de ces 3 années et présentés à l’ICPP et au salon Betteravenir :
Mise au point de la méthode d'inoculation aux 3 virus BYV, BChV et BMYV
Avant de mettre au point un test de résistance/tolérance, le GEVES en lien avec l’UFS et l’ITB ont dû améliorer en 2021 leur méthode de production et multiplication de pucerons virulifères pour chacun des 3 virus afin de servir de source d’inoculum : le BYV (Beet Yellows Virus), clostérovirus responsable de la jaunisse grave , le BChV (Beet Chlorosis Virus) et le BMYV (Beet Mild Yellowing Virus), deux polérovirus responsables de la jaunisse modérée. L’inoculation est effectuée via le dépôt de fragments de feuilles porteurs chacun d’au moins 5 pucerons aptères virulifères au cœur de plantules de betterave saine au stade 4-6 feuilles.
Une expérimentation au champ a été menée en 2021 pour définir les meilleures modalités d’inoculation garantissant une infestation homogène des parcelles et une discrimination significative du rendement entre les modalités inoculées et non inoculées protégées. La modalité d’inoculation 10% de plantes infectées par du BYV ou du BChV a permis la meilleure infestation des parcelles, sur la base de tests DAS-ELISA, et s’est révélée suffisante pour avoir des pertes de rendement en sucre significatives.
Mise au point et validation de la méthode RT-qPCR multiplexe aux 4 virus
Comme la méthode DAS-ELISA ne permet pas de discriminer les deux polérovirus BChV et BMYV, le GEVES a développé, en collaboration avec l’INRAe de Colmar, une nouvelle méthode de détection et d’identification des quatre virus de la jaunisse par RT-qPCR multiplexe. En plus de distinguer les deux polérovirus, cette nouvelle méthode est 100 à 10 000 fois plus sensible que la méthode DAS-ELISA et ne nécessite qu’une seule réaction pour la détection des quatre virus car elle est basée sur l’emploi de 4 sondes TaqMan, chacune spécifique à un virus et marquée par un fluorophore différent.
Cette méthode est utilisée pour confirmer la présence des virus inoculés au champ et en tunnels et détecter d’éventuelles contaminations secondaires. De plus, cet outil fournit des données semi-quantitatives qui pourront éventuellement être exploitées pour la caractérisation de la résistance ou de la tolérance à la jaunisse des variétés évaluées. Il est également envisageable que cette méthode soit employée dans le cadre de la surveillance épidémiologique pour suivre au fil des ans l’évolution de la jaunisse de la betterave sur la sole betteravière .
Mise au point du test d'évaluation de la tolérance/résistance au champ et en tunnels aux 3 virus BYV, BChV et BMYV
Evaluation variétale au champ :
A partir des résultats précédents, un protocole d’évaluation de la tolérance/résistance variétale aux jaunisses virales a été développé en 2022 et affiné en 2023 au champ pour l’inscription des variétés au Catalogue français et pour l’évaluation en post-inscription. L’objectif premier du CTPS est de pouvoir identifier les variétés ayant un bon comportement de rendement en sucre à la fois en conditions inoculées et non-inoculées protégées.
L’étude au champ sur 2 sites par année d’étude en 2022 a permis de mettre en évidence une variabilité de réponse variétale aux virus de la jaunisse mais pas de variétés pouvant être qualifiées de tolérantes. Les notations visuelles représentent un complément d’information. En 2023, toutes les variétés en étude au CTPS ont été évaluées au champ sur un plus grand nombre de sites et de répétitions afin de pouvoir mesurer de façon fiable le rendement en sucre dans les essais variétaux sans jaunisse et les pertes de rendement associées. Désormais, 4 sites en année 1 et 4 sites en année 2, sont mobilisés, comprenant chacun 4 répétitions non-inoculées et protégées contre les pucerons et 2 répétitions par virus inoculé en mono-infection : BYV, BChV et BMYV.
Également en 2022 et en 2023, des prélèvements ont été réalisés à deux dates, le premier à un stade précoce en juillet (stade 12-14 feuilles) et le deuxième à un stade tardif juste avant la récolte en septembre, afin de contrôler la présence du virus inoculé et de détecter d’éventuels contaminants secondaires. En plus de confirmer à chaque fois la présence du virus inoculé, cette étude a montré qu’entre la 1ère et la 2ème date, il y a souvent une augmentation du taux de contamination par site, avec une composition virale généralement similaire. Pour réduire les coûts, se pose la question de contrôler les virus présents uniquement à une seule date, de préférence au stade précoce, les contaminations naturelles ayant moins d’impact sur le rendement au-delà de ce stade 12 feuilles.
Evaluation variétale en tunnels :
Un protocole similaire à celui du champ a été développé en tunnels insect-proof (ITB et GEVES) pour vérifier le comportement variétal aux jaunisses virales. En effet, en cas de pression virale trop forte ou d’infection mixte au champ, les tunnels pourraient servir de compléments d’étude. En 2022, 73 variétés ont été évaluées dans 4 tunnels inoculés (en mono infection BYV, BChV, BMYV et co-infection ‘BYV+BChV’) et un tunnel non-inoculé et protégé. Les notations visuelles en 2022 et en 2023 ont montré qu’il y avait significativement moins de symptômes chez les témoins tolérants que chez les témoins sensibles pour toutes les conditions d’inoculation par virus. La co-inoculation ‘BYV+BChV’ s’est révélée présenter plus de symptômes que les inoculations du BYV et du BChV en mono-infection.
Des acquisitions d’images RGB avec la perche Phenoman ont été réalisées dans les tunnels du GEVES en 2022 et 2023, permettant le développement d’un premier algorithme de prédiction du taux de surface jaune sur Image J.
Comme le rendement en sucre est le majeur critère pour estimer la tolérance, des études statistiques sont en cours en 2023 pour définir le nombre optimal de plantes/parcelle et de répétitions pour mesurer de façon fiable le rendement sucre en tunnels.
Pour plus de précision : cf. le poster « Development of tests of resistance/tolerance to virus yellows in sugar beet«
Mise au point d'un protocole d'évaluation de la tolérance/résistance au BtMV
Le Beet Mosaic Virus (BtMV), potyvirus responsable de la mosaïque de la betterave, est moins fréquent et nuisible en Europe, que les trois autres virus. Néanmoins, une première méthodologie a été mise en place au GEVES en 2022 pour définir un protocole en serre sur les variétés en étude au CTPS, par inoculation mécanique au stade 4-5 feuilles. Les premiers symptômes sont ensuite observés environ 7 jours plus tard, mais les notations visuelles débutent entre 10 et 12 jours après l’inoculation, et sont poursuivies régulièrement jusqu’à environ 30 jours. Les résultats obtenus semblent indiquer que l’ensemble des 74 variétés en étude en 2022 sont sensibles au BtMV sur la base des symptômes visuels.
Pour les variétés en étude en 2023, les notations sont en cours avec intégration de témoins tolérants au BtMV. Ce protocole n’est pas pour l’instant pris en compte comme critère d’inscription des variétés au Catalogue français.
Développement de modèles statistiques pour mieux estimer la productivité des variétés
En conclusion, le développement de ces protocoles d’évaluation de la tolérance/résistance variétale fournira une solution génétique à l’interdiction des néonicotinoïdes. Le levier génétique pourra être proposé aux fermes pilotes expérimentales pour développer une méthode de lutte intégrée contre les jaunisses virales dans un contexte agroécologique, en les intégrant aux autres leviers fonctionnels.