Enjeu de la résistance aux bioagresseurs

Enjeu de la résistance aux bioagresseurs

Enjeu de la résistance variétale pour limiter les bioagresseurs

Les bioagresseurs sont des organismes vivants pouvant engendrer des dommages sur les cultures. Il peut s’agir d’agents pathogènes responsables de maladies, de ravageurs ou de plantes adventices. Ces dommages sont :

  • des pertes de rendement par maladies ou concurrence dans le cas des adventices,
  • des pertes de qualités visuelles ou technologique du produit,
  • des problèmes de conservations,
  • des risques de toxicité (mycotoxine, alcaloïdes (ergot du seigle, graines de nombreuses adventices comme le datura stramoine, séneçon),
  • des difficultés de récolte (bourrage des machines, verse),
  • et dans le cas des adventices d’augmentation du stock semencier qui pourra être préjudiciable pour les futures récoles.
Symptômes de Fusarium oxysporum f. sp. lactucae sur variétés sensible (gauche) et résistante (droite) de laitue

La lutte chimique (produits phytosanitaire de synthèse, cuivre, …) a été un moyen efficace pour lutter contre les bioagresseurs, mais montre des limites avec des pertes d’efficacité des matières actives (sélection des bioagresseurs résistants) et des impasses vis-à-vis de certains bioagresseurs, comme des pathogènes du sol (aphanomyces pour le pois, rhizomanie de la betterave, les mosaïques du blé). Pour ceux-ci, la résistance variétale est le seul moyen de contrôle. La lutte chimique a été un moyen,  car son efficacité n’est pas sans impact sur l’ensemble des éléments vivants : il est donc essentiel de limiter son utilisation pour préserver la biodiversité et la durabilité de notre environnement.

Pour limiter les dégâts des bioagresseurs, les mesures prophylactiques sont donc les premières à mettre en œuvre. Ces mesures ont comme objectif de limiter les conditions de développement de ces bioagresseurs : succession des cultures, diversification des espèces et période de semis, travail du sol, gestion des abords des parcelles, plantes en association et utilisation de variétés apportant un certain niveau de résistance…. La combinaison de ces leviers est recommandée.

Le choix de variétés résistantes ou apportant un bon niveau de résistance aux bioagresseurs est un levier, facile à mettre en œuvre, qui peut être largement utilisé par les agriculteurs pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. La résistance variétale est un axe important du travail des sélectionneurs. D’importants progrès génétiques ont été faits ces dernières années, tolérance à la JNO chez l’orge,  résistance  au Phoma du colza… même si parfois le progrès est une course contre les pathogènes comme le Bremia de la laitue, la rouille jaune pour les céréales.

Incitations à l'utilisation de variétés apportant de la résistance aux bioagresseurs

Pour dynamiser la diffusion des pratiques économes en produits phytopharmaceutiques par les distributeurs de produits phytopharmaceutiques, le plan Ecophyto a mis en place le dispositif de Certificat d’économie de produits phytopharmaceutiques CEPP. Des actions standardisées d’économie de produits phytopharmaceutiques sont proposées. Plusieurs actions concernent l’utilisation de variétés apportant de la résistance aux bioagresseurs ou à la verse. Il existe également des actions sur l’utilisation de variétés en mélange ou association. La preuve de la mise en l’œuvre de l’action est la facture de vente de semences.

Les actions « réduire le nombre de traitements au moyen de variétés assez résistantes ou peu sensibles » sont construites avec les instituts techniques agricoles qui apportent leur expertise pour la traduction d’un niveau de résistance aux maladies, verse ou ravageurs en économie potentielle de produit phytopharmaceutique. Les listes des variétés éligibles sont proposées par le CTPS sur la base des notes de résistance définies au moment de l’inscription ou en post-inscription sur la base d’informations supplémentaires apportées principalement par l’institut technique agricole. Ces listes sont mises à jour chaque année, pour intégrer les nouveautés, supprimer les variétés absentes du marché et tenir compte des évolutions de comportement possible des variétés. La connaissance de la liste de variétés éligibles n’est pas suffisante pour assurer la réduction de l’IFT, il est indispensable d’avoir une information plus détaillée du niveau de résistance des variétés par bioagresseur, pour semer celles qui résistent le mieux aux risques dominants de la région voire de la parcelle (tableaux suivants).

Les Actions CEPP ayant un lien avec les variétés et l’achat de semences au 1° juin 2020 (source portail EcophytoPIC) :

Espèces N° de la fiche action Nom de l'action CEPP Plus de détails sur les niveaux de résistance des variétés
Actions : réduire le nombre de traitements par l'utilisation de variétés assez résistantes ou peu sensibles
Pomme de terre
Réduire le nombre de traitements fongicides au moyen de variétés de pomme de terre peu sensibles au mildiou
Blé tendre
Réduire le nombre de traitements au moyen de variétés de blé tendre assez résistantes aux bioagresseurs et à la verse
Betterave à sucre
Réduire le nombre de traitements contre diverses maladies au moyen de variétés de betteraves sucrières assez résistantes
Colza
Lutter contre le virus de la jaunisse du navet sur colza en choisissant une variété assez résistante
Orge d'hiver
Réduire le nombre de traitements au moyen de variétés d'orge d'hiver assez résistantes aux bioagresseurs et à la verse
Vigne
Réduire les traitements au moyen de cépages résistants
Action : mélange de variétés
Blé tendre
Réduire les traitements au moyen de mélanges de variétés de blé tendre assez résistantes
Actions : Association de plantes compagnes dans une culture
Colza
Remplacer les traitements herbicide et insecticide d'automne en associant des légumineuses gélives avec du colza d'hiver
Colza
Eviter un traitement insecticide contre les méligèthes en associant une variété de colza à floraison très précoce avec la variété principale
Colza
Réduire l'utilisation des produits phytopharmaceutiques en associant un couvert de légumineuses gélives et non gélives entre rangs de colza

La résistance aux bioagresseurs à l’inscription au Catalogue

La résistance aux bioagresseurs a toujours été considérée pour l’inscription au Catalogue, en particulier la résistance aux maladies pour laquelle il existe une diversité génétique assez large.

Cette prise en compte de ces résistances est différente selon les espèces, dépendant de l’impact des maladies sur la culture et la qualité des produits, de l’existence ou non d’épreuve de jugement de la Valeur Agronomique Technologique et Environnementale.

Pour les plantes agricoles (grandes cultures et fourrages), espèces pour lesquelles rendement et valeur d’usage du produit sont évalués, le comportement vis-à-vis des principales maladies est décrit. Il est aussi intégré aux règles de décision d’inscription pour de nombreuses espèces (céréales à paille, colza, betterave…). L’inscription des variétés ayant un bon comportement est favorisée, les très sensibles sont pénalisées voire refusées (toutes ces règles sont précisées dans les règlements techniques d’inscription). Le rendement intègre également du comportement vis-à-vis des maladies : pour les céréales à paille, l’information rendement provient à part égale d’essais sans protection vis-à-vis des maladies et d’essais traités, pour la betterave sucrière la protection fongicide est pilotée par rapport à une variété peu sensible aux maladies. L’ensemble des résultats est diffusé dès l’inscription des variétés (documents accessibles à partir du nom de la variété dans la partie Catalogue).

 

L’évaluation de la résistance variétale est principalement réalisée en plein champ, dans les essais multi-locaux ou dans des essais dédiés à l’étude des résistances aux bioagresseurs en inoculation artificielle avec les souches ou races prédominantes en France. Dans ces essais dédiés, des variétés de référence couvrant une échelle de sensibilité à la maladie étudiée, permettent de décrire le comportement des variétés en cours d’étude. Des biotests en laboratoire peuvent également compléter ce dispositif.

Résistance variétale à la rouille jaune

Le tableau ci-contre (il suffit de cliquer dessus pour l’ouvrir) liste les bioagresseurs caractérisés pendant les études d’inscription, principalement pour  la VATE mais aussi la description DHS.

  • 41 tests de résistance spécifiques au champ,
  • 27 tests en laboratoire,
  • les autres évaluations sont réalisées en contamination naturelle dans les essais « rendement » et dépendent de la pression bioagresseur de l’année.

Pour les plantes légumières, la résistance aux maladies fait partie des caractéristiques phénotypiques utilisées pour décrire les variétés (études Distinction Homogénéité et Stabilité). Les résistances actuelles sont majoritairement des résistances qualitatives, du type oui/non, avec une description par race du pathogène. Ces résistances, monogéniques, peuvent néanmoins être moins durables. Actuellement, des résistances plus quantitatives sont également utilisées.

Pour les plantes potagères, l’évaluation concerne très majoritairement des bio tests, réalisés en milieu contrôlé (serre ou module climatique), sur de jeunes plantes, avec un délai de réponse après inoculation rapide (deux à quatre semaines). Quelques résistances à des pathogènes sont évaluées en plein champ en conditions renforcées de contamination comme Alternaria de la carotte.

En espèces potagères : 50 couples hôtes /bioagresseurs (virus, bactéries, champignons, nématodes, pucerons) et près de 100 couples hôte/race/bio agresseur (DHS) et plusieurs milliers de tests officiels sont effectués pour évaluer la collection de référence et les nouvelles variétés.

Le GEVES a créé avec ses partenaires de recherche et semenciers un réseau de maintien et distribution de ces variétés de référence (témoins sensibles, résistants, résistants intermédiaires et hôtes différentiels) et souches de référence pour les tests de résistance. Le réseau MATREF met à disposition ces matériels de référence.

Symptômes de TSWV (Tomato spotted wilt virus) sur variétés résistante (gauche) et sensible (droite) de piment
Comportement de 2 variétés de blé tendre (une à gauche l'autre à droite) vis à vis d'une adventice, ici de la moutarde des champs

Les bioagresseurs adventices

Le comportement des variétés vis-à-vis des adventices est, pour le moment, très peu regardé à l’inscription et d’une façon générale au niveau de l’évaluation variétale. Il n’y a pas de variété « résistante » aux adventices (il existe des variétés résistantes à l’orobanche, plante parasite), mais il existe des variétés plus concurrentes, plus hautes, plus couvrantes, des feuilles plus larges, des moins dressées, des variétés avec plus de ramifications ou de talles, avec une vigueur au départ plus importante….

Le comportement vis-à-vis des adventices est très important en agriculture biologique, pour la maitrise des adventices, un des principaux facteurs limitants en AB. L’AB recherche des variétés concurrentes vis-à-vis des adventices, mais aussi des variétés facilitant le passage des outils de désherbage mécanique.

Actuellement, à l’inscription le pouvoir couvrant est décrit pour les pois protéagineux et pour les variétés de blé tendre revendiquant une adaptation à l’AB. Certains traits morphologiques utilisés pour décrire les variétés pour la DHS ont un intérêt pour décrire l’architecture de la plante, un exemple le port de la feuille en blé tendre peut être dressé ou étalé. Le GEVES travaille actuellement à mieux diffuser ces informations.

Une expertise GEVES, soutenue par des programmes de recherche, au service de toute la filière

Des travaux de méthodologie et de recherche sont, en permanence conduits par le GEVES dans des partenariats nationaux et internationaux pour :

  • mettre au point et améliorer les méthodes d’évaluation de la résistance des variétés aux bioagresseurs,
  • étudier de nouveaux pathosystèmes et mettre au point des méthodes,
  • participer à l’actualisation des connaissances sur les souches et races présentes, en co-évolution avec les contournements de résistance,
  • harmoniser les méthodes avec les Offices d’examen homologues, les obtenteurs pour avoir une cohérence de résultats et définir du matériel de référence,

Ces programmes de recherche sont présentés aux pages recherche et développement sur ce site internet.

L’expertise que le GEVES a acquise vis-à-vis de l’évaluation des bioagresseurs est au service de la filière, pour l’inscription au catalogue, la protection variétale nationale (INOV) ou européenne (OCVV), les programmes de recherche et également pour des prestations privées.