L’Agroforesterie
L’association des arbres et des cultures présente de nombreux intérêts qui motivent aujourd’hui beaucoup d’agriculteurs à redonner une place aux arbres champêtres sur leurs exploitations.
Qu'est-ce que l'agroforesterie?
L’agroforesterie est « un système dynamique de gestion des ressources naturelles reposant sur des fondements écologiques qui intègrent des arbres dans les exploitations agricoles et le paysage rural et permet ainsi de diversifier et de maintenir la production afin d’améliorer les conditions sociales, économiques et environnementales de l’ensemble des utilisateurs de la terre »*.
L’association des arbres, des haies et des cultures présente de nombreux intérêts : maintien de la structure et de la fertilité des sols, réduction des intrants, renforcement de la lutte biologique, amélioration du microclimat de la parcelle, maximisation de la production de biomasse, séquestration du carbone, diversification des revenus de l’exploitation.
* Définition du Centre mondial pour l’agroforesterie
D’hier à aujourd’hui
Les pratiques associant l’arbre, les culture et l’élevage sont très anciennes et multiples, comme par exemple les prés-vergers, associant l’élevage à la production de fruits, ou le boccage, constitué d’un alignement de haies fournissant le bois de chauffage et d’arbres de haute tige fournissant le bois d’œuvre. Les pratiques agricoles et forestières se sont progressivement opposées en France vers le milieu du 19e siècle lorsque la forêt a commencé à progresser et le boccage à régresser. Par ailleurs, l’arbre a été peu à peu considéré comme concurrent des cultures sous l’effet des remembrements, de la mécanisation des pratiques culturales et de l’artificialisation des terres. Les politiques agricole et forestière se sont elles-mêmes construites de façon indépendante, aboutissant à une logique de spécialisation des territoires posant des questions de performance, tant sur le plan économique qu’environnemental.
L’agroforesterie d’aujourd’hui s’inspire de celle d’hier, mais s’adapte aux contraintes des exploitations modernes : techniques d’entretiens spécifiques, faible densité d’arbres à l’hectare, arbres alignés et choisis pour leur compatibilité avec les cultures (le plus souvent à valorisation alimentaire) et leur valeur économique ou environnementale. La clé de l’agroforesterie réside dans la maitrise du partage des ressources entre les arbres et les cultures associées, qui modifient mutuellement leurs conditions de croissance. Le savoir-faire de l’exploitant sera de favoriser les interactions positives tout en limitant la compétition. Les travaux de recherches conduits depuis plus de 20 ans permettent de proposer aujourd’hui des itinéraires agro-forestiers innovants, productifs et rentables.
Les intérêts de l’agroforesterie
Il a été montré en effet que l’association arbres-cultures est plus productive qu’un assolement séparant cultures d’un côté et arbres de l’autre. Le différentiel de production de biomasse est de 10 à 60%. Un essai agroforestier ancien, conduit par l’INRAE, associant peuplier et céréales, a montré qu’une exploitation de 100 ha en agroforesterie produira autant de biomasse que 140 ha sur lesquels les deux cultures sont séparées*. Par voie de conséquence, l’agroforesterie contribue efficacement à la séquestration du carbone, que ce soit dans la biomasse végétale pérenne (aérienne et souterraine) et dans le sol, que par l’incorporation de matière organique via la litière ou le renouvellement des racines fines. Les valeurs de stockage mesurées sont de l’ordre de 0,3 t de CO2eq/ha/an en agroforesterie intra-parcellaire, et près de 1 t de CO2eq/ha/an pour certains bocages**.
La rentabilité d’une culture agroforestière dépend de l’efficacité biologique de l’association. La baisse de rendement des cultures intercalaires est compensée par le produit dégagé à long terme par la vente des arbres à condition que la valeur unitaire du bois produit soit élevée. Avec des allées deux fois plus larges que la hauteur des arbres adultes, permettant de cultiver jusqu’à la coupe de ces dernier, la part du revenu dégagé par les arbres représente entre 30 et 50% du revenu actualisé total.
En culture agroforestière, l’enracinement d’un arbre est plus profond qu’en forêt. Cela lui permet d’être mieux approvisionné en eau, de moins souffrir d’un stress hydrique éventuel et de récupérer en profondeur les nutriments issus de la roche mère ou entrainés par lixiviation. L’absence de compétition entre arbres se traduit en outre par une augmentation de leur croissance en diamètre et par conséquent une réduction de l’âge d’exploitabilité. Enfin, l’arbre modifie et diversifie le microclimat (température, vent, humidité), ce qui favorise la création d’habitats pour des auxiliaires qui pourront intervenir plus efficacement en cas d’attaques de ravageurs des cultures.
* Dupraz C., Liagre F., 2008, Agroforesterie – Des arbres et des cultures. Éditions France Agricole, 410 p.
** Pellerin, S. et al. 2013. Quelle contribution de l’agriculture française à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Potentiel d’atténuation et coût de dix actions techniques. Synthèse du rapport d’étude. 92 p. INRA.
Plan de développement de l'agroforesterie
En décembre 2015, le ministère de l’agriculture a lancé un plan de développement de l’agroforesterie, qui s’articule avec les politiques au niveau national et les engagements internationaux de la France, en particulier dans le cadre de la Convention-Cadre des Nations unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Ce plan doit permettre de conforter et soutenir, d’ici 2035, l’installation de 200 000 ha de haies bocagères et de 120 000 ha d’agroforesterie. Il est articulé en cinq axes qui permettent de couvrir l’ensemble du champ utile au développement de l’agroforesterie et d’en gérer durablement toutes les formes, sur tout le territoire et dans les différents systèmes agricoles :
La section Arbres Forestiers du CTPS
Depuis quelques années, la section technique Arbres Forestiers du CTPS a intégré dans ses travaux le champ de l’agroforesterie. Les variétés homologuées pour des espèces forestières plantées à espacement définitif sont d’ores et déjà valorisables en agroforesterie, et éligibles aux aides au reboisement. C’est le cas notamment du peuplier, du noyer, du châtaignier, du merisier, etc. Par ailleurs, pour répondre à des demandes de diversification des espèces ligneuses utilisables en agroforesterie, la section technique Arbres Forestiers du CTPS a proposé récemment l’introduction de trois nouvelles essences dans la liste des espèces forestières réglementées : érable champêtre, aulne à feuille en cœur et pommier sauvage. La section apporte enfin son expertise à l’appui d’un projet méthodologique de sélection participative (co-construite avec les agriculteurs et pépiniéristes) de variétés d’arbres adaptées à des systèmes agroforestiers favorables à la biodiversité, en prenant en compte les spécificités de ces variétés ligneuses lors de la rédaction des règlements techniques d’homologation.